Sauvetage de l'archive sensible de l'IGN
Redonner droit d'existence à l'archive
En 2020, au moment du déménagement de l’Institut Géographique National (IGN) du site de l’Abbaye de la Cambre, nous avons entrepris, avec l’aide d’étudiant·es·x ESA La Cambre et en suivant les indications de Jean-Luc Parmentier (ancien archiviste de l’IGN), le sauvetage d’un fonds d’archives cartographiques déclassées par l’IGN parce que ne répondant pas aux critères internes de sauvegarde édictés par l’institution. Les documents et objets sauvés de la ruine sont aujourd’hui entreposés pour partie dans le grenier du bâtiment d’administration de l’ESA La Cambre et pour partie rue Van Elewyck chez Spec. Le sauvetage de ce fonds a fourni l’argument d’un projet d’exploration artistique visant à lui redonner droit d’existence et de parole et à le mobiliser comme ressource de débat public sur l’évolution de l’art de la cartographie et de la représentation territoriale, à Bruxelles mais aussi ailleurs. C’est aussi cette réalité historique et contextuelle qui a fondé le partenariat avec l’ESA La Cambre autour du sauvetage de ce fonds perdu pour la science, l’art et la mémoire culturelle.
Redonner à ce fonds un droit d’existence implique de répertorier, décrire, classer les documents et les objets qui le constituent pour faire exister l’archive et la légitimer comme corpus de connaissances et bien commun artisanal et artistique. Cela implique aussi de faire une analyse critique permettant de mettre les objets archivés en perspective, de manière à valoriser non seulement les documents, mais aussi ce qu’ils enseignent des métiers, des techniques, des langages graphiques et des process de production.
Pour permettre à l’archive de prendre place dans l’espace public bruxellois et d’y retrouver un droit d’existence et de parole, nous avons imaginé trois types de rencontres cartographiques : des arpentages, des dialogues radiophoniques, des ateliers-expositions. Les trois dynamiques sont enchevêtrées et rythmeront les deux parcours d’exploration décrits plus haut - de l’archive et de l’écosystème producteur de changement.
Donner voix aux pratiques cartographiques
Ce projet d’exploration artistique est né d’un désir collectif de rendre droit d’existence et de parole à un fonds d’archives cartographiques sauvé in extremis de la destruction en 2020, lors du déménagement de l’Institut Géographique National (IGN) du site de l’Abbaye de la Cambre à Bruxelles. Que nous raconte ce bien commun déclassé par l’institution publique dont il avait été pour un temps une part de la raison d’être et de la fierté?
Le projet vise l’exploration du fonds et sa réhabilitation comme bien commun artistique et culturel. Une première étape a été le sauvetage physique des cartes et leur entreposage dans les locaux de Spec. Les manutentions réalisées à cette occasion permettent de poser l’hypothèse de la richesse du fonds. Le projet est de répertorier, décrire, classer, bref de faire exister l’archive à partir de critères sensibles et matériels en la faisant parler, de manière à valoriser non seulement les documents, mais aussi ce qu’ils disent des métiers, des techniques et des process de production.
Un deuxième objectif est de mobiliser l’archive pour mettre en lumière la problématique du rapport mystérieux entre les métiers et les artisan·es de la carte et l’institution publique, c’est-à-dire, au-delà de l’IGN, les acteurs·rices publics mobilisant la cartographie et l’infographie pour inspirer et porter à connaissance les raisons de l’action publique.
Créer des lieux de prises de paroles
La restitution du droit de parole implique de permettre à l’archive de prendre place dans l’espace public bruxellois et dans le petit monde de l’art de la carte. Le projet envisage la création et l’animation de trois types de lieux de prises de paroles, chacun étant basé sur une scénographie propice à la mise en relation entre les savoirs et les mondes.
Un cycle de six dialogues radiophoniques sur l’évolution des enjeux et des pratiques de l’art de la carte mettra en scène six femmes engagées dans la pratique et l’évolution des arts de la représentation territoriale, et un ancien de l’IGN, qui apportera un témoignage critique fondé sur sa mémoire des métiers qu’il a eu l’occasion de connaître pendant 40 ans passés au sein de l’institution. Les contenus de ces rencontres seront diffusés sur ce portail web.
La construction et l'archivage de ces dialogues entre cet ancien archiviste et des témoins de l’évolution de l’art contemporain de la carte serviront d’arguments pour des productions artistiques et la conception de scénographies singulières.
Trois ateliers-expositions seront en effet destinés à révéler les enjeux d’évolution de l’art de la carte et des représentations territoriales sous le spectre de la typographie et de la communication graphique. Chaque atelier-exposition fera l’objet d’une discussion critique en contrepoint.
Ce que la cartographie nous raconte de la société
Cette exploration artistique s'appuie sur trois postulats relatifs à l'histoire (au passé, au présent et au futur) de la cartographie.
D'abord, les cartes de l'IGN qui ont été sauvées révèlent des techniques et savoirs-faire graphiques spécifiques dont l'histoire est peu documentée. Notre projet d’exploration artistique centrée sur le graphisme de la carte veut aller au-delà du sauvetage et alimenter un projet d'archivage inédit dans son objet et exemplaire dans sa méthode. Nous avons l’espoir et la conviction de pouvoir offrir une référence utile à la constitution ultérieure d'autres fonds d'archives citoyennes.
Par ailleurs, dans une perspective décoloniale et située dont nous voulons aussi aider l’archive à parler une langue critique susceptible d’inspirer l’imagination créative : saisir les nuances, comprendre les pratiques graphiques de l'IGN doit conduire à questionner les logiques militaires, de contrôle du territoire et de gestion des flux et à imaginer d’autres manières de représenter le monde et d’autres usages des cartes comme outils d’orientation.
Enfin, plus qu’un désir, le renouvellement de l’art de la carte - aujourd'hui dominé par les GAFAM et le traitement des données - est devenu une nécessité.
Appels à pratiques
Le projet sera rythmé par des appels à pratiques cartographiques et une permanence hebdomadaire dans le grenier de cartes de l'ESA La Cambre. Vous pouvez ainsi venir consulter les cartes et déposer des contributions artistiques.
Contact
N'hésitez pas à nous écrire sur atlas@bistre.blue
